Pastorale du monde de la santé
Aller à la rencontre de l’autre, le visiter, se faire proche de lui, prendre le temps de l’écouter et rompre sa solitude, c’est passer de la seule intervention du ministre du culte à un « ministère de la présence », mission portée par toute une équipe qu’elle soit paroissiale ou d’aumônerie. Dans le respect des convictions de la personne rencontrée, sans prosélytisme et sur le seuil de ses questionnements. Visiter, c’est s’offrir une hospitalité réciproque.
Délégué diocésain Abbé Jean-Claude LAGOUANELLE j.lagouanelle@wanadoo.fr
Aumônerie des hôpitaux et maisons de retraite et Service évangélique des malades (SEM)
Déléguée diocésaine Dany PERISSÉ
Tel : 06.08.84.47.20
Mail : b.perisse@orange.fr
Autres
Foi et Lumière
Fraternité Chrétienne des personnes malades et handicapées
Lourdes Cancer Espérance 32
Session provinciale :
Pastorale de la santé les 11 et 12 mars 2024 à Lourdes (inscrivez-vous vite !)
Téléchargement du PDF – journées des 11 et 12 mars 2024 – cliquez ici !
LOURDES CANCER ESPERANCE
Dany PERISSE – 1290 rte de Laleugue à Malartic
32400 SARRAGACHIES
Tél : 06.08.84.47.20 ou 05.62.69.75.72 – Courriel : b.perisse@orange.fr
En ce début d’année venons raviver notre amitié dans le partage de cette journée
Dimanche 25 février 2024 de 10h à 16h Au Foyer paroissial de Vic-Fezensac – 14 Rue du Foirail
Programme :
10H : Accueil au foyer paroissial dans le site du Presbytère
10h30 : Messe paroissiale à l’église de Vic, place du Curé Thiard
11h30 : 12H Apéritif, repas tiré du sac
Après ce temps de partage fraternel nous organiserons le programme 2024. Arrivez avec des idées de partages, des projets à monter pour rayonner dans notre diocèse Nous prendrons les règlements des adhésions de LCE pour l’année 2024 et nous ferons les pré inscriptions pour le pèlerinage de septembre. Nous comptons sur votre présence, n’hésitez pas à inviter voisins, voisines et amis(es) qui pourraient venir rejoindre notre délégation
A très bientôt. Fraternelles salutations et union de prières
Réflexion éthique autour de la fin de vie
Mercredi 18 octobre 2023
Intervention de Mme Aurélie SALIDO
Pour introduire le propos de cette soirée, je me permets de reprendre le communiqué de Monseigneur Lacombe, archevêque à Auch.
« Les soins et l’accompagnement de la souffrance touchent toute la société. Le contexte de fin de vie donne lieu à des situations douloureuses et des débats passionnés. […]
« Cette soirée a pour objectif de préciser les bases d’un vocabulaire juridique, philosophique, médical et religieux pour favoriser une écoute mutuelle et une meilleure compréhension des enjeux éthiques ».
« Souffrance, débat passionné, situations douloureuses » : autant de termes qui renvoient à quel point les représentations et les histoires singulières peuvent venir agiter les pensées, faire naître des interprétations et empêcher la prise de recul nécessaire à toute analyse objective de ce que peut vivre un sujet pris dans les affres de sa propre finitude ou de celle de l’un de ses proches.
Objectiver le sujet (en tant que personne, patient, malade) n’est pas le propos, tant il nous appartient de nous approcher au plus près de ce que chacun vit, au regard de son histoire, de ses ressentis, de ses croyances, de ses désirs, de ses craintes, du moment qu’il traverse, de ce (et ceux) qui l’entoure.
En quoi la législation sur la fin de vie peut répondre à la souffrance ? N’est-il pas débat plus éthique que celui qui confronte aux 4 piliers fondateurs de l’éthique que sont l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et l’équité ?
C’est ce que nous allons mettre à la discussion ce soir pour mieux comprendre les enjeux qui sous-tendent ce projet législatif.
Tout d’abord : quelques définitions :
Qu’est-ce que l’éthique, l’éthique médicale, la bioéthique ?
L’éthique est une discipline philosophique portant sur les jugements moraux et dont le concept est donc très proche de celui de la morale. On parle aussi de philosophie morale pour désigner cette discipline. C’est une réflexion fondamentale de tout peuple afin d’établir ses normes, ses limites et ses devoirs.
L’éthique médicale s’applique à la médecine et regroupe l’ensemble des règles de conduite des professionnels de santé par rapport aux patients (déontologie, morale, science).
Qu’est-ce que l’éthique en milieu hospitalier ? Quels sont les principes ?
Dans certaines situations, les valeurs sociétales et humaines peuvent entrer en conflit avec ce qui est possible de faire médicalement et scientifiquement. Le comité consultatif national d’éthique, les espaces de réflexion éthique régionaux et les comités d’éthiques attachés à des établissements de santé et/ou des établissements médicosociaux sont là pour assurer le respect de la personne malade grâce à ses quatre grands principes.
Les équipes dédiées aux soins palliatifs assurent également cette réflexion
C’est avant tout une démarche.
Face à une situation d’incertitude, les professionnels de santé peuvent ainsi faire appel à une approche interdisciplinaire afin de croiser les regards autour de cette situation. Les comités nationaux d’éthique présents dans plusieurs pays ont ainsi été créés dans le but d’éviter que la médecine n’aille au-delà du respect de la personne. “Doit-on faire au seul motif que l’on sait faire ? Les lois permettent de maintenir des limites, des interdits car ce qui est admissible pour un individu ne l’est pas forcément pour la société”.
On parle d’éthique médicale lorsque les acteurs de la santé sont confrontés à la question des limites du supportable, de la vie ou encore du savoir.
Quels sont les principes de l’éthique médicale ?
L’éthique est fondée autour de quatre grands principes :
- L’autonomie : le respect de la personne dans son autonomie, sa capacité à être acteur et à décider de sa propre santé.
- La bienfaisance : faciliter et faire le bien, contribuer au bien-être du patient. Il est nécessaire de bien peser le rapport entre les bénéfices et les risques potentiels.
- La non-malfaisance : l’obligation de ne pas nuire. Ne pas intervenir sur le corps du patient sans son accord libre et éclairé.
- La justice / l’équité : apporter le même traitement de façon juste et/ou équitable à tous les patients. Tout ce qui est possible d’être fait doit l’être pour tous et pas seulement pour certaines catégories de personnes.
Les lois permettent de maintenir des limites, des interdits, car ce qui est admissible pour un individu ne l’est pas forcément pour la société.
Qui doit respecter une éthique médicale ?
“L’ensemble des partenaires, qu’il s’agisse des professionnels de santé ou toute personne intervenant auprès de la personne malade, y compris le malade lui-même”.
Quelle différence entre éthique médicale et la bioéthique ?
L’éthique et la bioéthique se rejoignent autour d’enjeux communs. L’éthique s’applique indifféremment à tous les domaines de la médecine et surtout aux comportements à respecter auprès des malades. La bioéthique, elle, concerne davantage les conflits de valeurs autour de l’avancée techno-scientifique dans le domaine du vivant comme la recherche sur le clonage, la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA), le don d’organes …
Quelle différence entre éthique médicale et déontologie ?
La déontologie est l‘ensemble des devoirs et obligations imposés aux membres d’une corporation comme l’ordre des médecins ou des infirmiers. Les règles de déontologie s’appliquent de manière identique à tous les membres du groupe. Si ces règles ne sont pas respectées, une autorité se charge alors d’imposer des sanctions. “Il y a bien un lien entre déontologie et éthique” mais :
L’éthique appelle à réfléchir sur les valeurs autour d’un acte médical à l’inverse de la déontologie qui fixe des règles claires.
Petit historique législatif : Que nous dit la loi ?
Tout d’abord un petit détour par le code de déontologie des médecins :
On revient de loin ! Le code de déontologie des médecins de 1950 énonce : « A aucun moment le malade n’est conscient de son malheur. Il faut ordonner pour lui. C’est un jouet à peu près complètement aveugle, très douloureux et essentiellement passif, mineur, soumis à l’autorité du médecin, père et tuteur ».
En 1996, le code évolue : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il propose ».
Le « droit de savoir » des malades a fait évoluer le « devoir de dire » des médecins.
2002 : loi KOUCHNER, La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et au droit à la protection de la santé est la première loi qui consacre le droit au patient de prendre des décisions concernant sa santé et l’obligation des soignants de créer toutes les conditions pour éclairer ces décisions
Loi KOUCHNER : Art. L. 1111-2 « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé » + Art. L. 1110-4 « Toute personne prise ne charge par un professionnel de santé […] a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ».
2005 : Loi LEONETTI
Jean Léonetti : « Je t‘empêche de souffrir je ne t’abandonne pas » ; « Laisser mourir : oui, faire mourir : non »
Loi du 22 avril 2005 : Instauration de la possibilité de sédation proportionnée et transitoire.
Désignation de la personne de confiance : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance. Elle a pour mission d’accompagner le patient dans ses démarches liées à sa santé et si, un jour, il est hors d’état d’exprimer sa volonté, elle sera consultée en priorité pour l’exprimer »
Possibilité de rédiger des Directives Anticipées : « Toute personne majeure peut, si elle le souhaite, faire une déclaration écrite appelée directives anticipées pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie. Ce document aidera les médecins, le moment venu, à prendre leurs décisions sur les soins à donner, si la personne ne peut plus exprimer ses volontés »
2016 : Loi CLAEYS-LEONETTI
C’est une réponse à une demande sociétale de plus en plus forte dans nos pays développés d’avoir la possibilité d’anticiper une mort douce et rapide. Certaines personnes souhaitent abréger leur vie, pour ne pas subir la déchéance, la dépendance.
Face à la pression citoyenne et en réponse à une « promesse » politique du président Hollande (2012-2017) : évolution de la loi de 2005 qui renforce les droits des patients et tente d’apaiser les tensions et les représentations autour de la fin de vie et des conditions du mourir. C’est la loi du 2 février 2016 dite Claeys-Leonetti. Elle introduit la possibilité de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, sous certaines conditions : être atteint d’une maladie grave incurable avec un pronostic engagé à court terme et avoir des symptômes réfractaires aux traitements habituels.
Point de vocabulaire :
La complexité du sujet impose une définition claire des termes employés afin de pouvoir mieux nous comprendre, mieux nous interroger et mieux discuter.
Euthanasie
C’est un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable.
Le médecin prescrit et administre une substance létale.
Euthanasie ne peut pas signifier : « provoquer la mort » et « aider à ne plus souffrir »
L’euthanasie passive n’existe pas ! C’est un acte, il ne peut être passif. De même pour les adjectifs : directe, indirecte, volontaire, involontaire, semi-active, semi-passive.
Suicide assisté
C’est donner les moyens à une personne de se suicider elle-même.
L’intervention d’un médecin peut alors se limiter à la seule prescription d’un produit létal.
Le patient doit être en mesure de pouvoir s’administrer seul le produit.
Aide active à mourir
Le médecin évalue la demande du patient selon les conditions prévues par la loi (ces conditions sont différentes en fonction des pays).
Il permet l’accès à l’euthanasie et/ou le suicide assisté.
Euthanasie et suicide assisté sont deux aides actives toutes deux non autorisées en France à ce jour.
Leur mise en oeuvre a pour visée de provoquer la mort.
Sédation
La sédation est la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience.
On distingue la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (loi CLAEYS-LEONETTI) de la sédation transitoire qui est, elle, réversible (à visée anxiolytique par exemple).
Assistance pour mieux mourir
Elle consiste à mettre tous les moyens en oeuvre bien connus dans le champ des connaissances des soins palliatifs afin de soulager les symptômes physiques et psychiques d’un malade arrivant au terme de sa vie.
Avis du CCNE du 13 septembre 2022 : (Comité Consultatif National d’Ethique)
Constat : « La très grande majorité des fins de vie pénibles, voire inacceptables, résultent d’une mise en oeuvre insuffisante, voire défaillante, des dispositions législatives en vigueur ».
Il déplore la persistance d’inégalités d’accès aux soins palliatifs et notamment aux unités dédiées que sont les USP (Unités de Soins Palliatifs).
Le Code de la Santé Publique (article R. 4127-38) rappelle que :
« Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ».
S’il est possible de conclure :
Le malade en fin de vie – quel que soit son âge – est vulnérable. Il a besoin d’être protégé face à ce qui pourrait décider d’abréger sa vie pour des raisons peu avouables.
La douleur revoie à la nécessaire une prise en charge des symptômes physiques.
La souffrance correspond à une douleur psychique, sociale et spirituelle, elle est aussi liée à la peur de mourir.
Ou de ne pas conclure :
• Comment une nouvelle loi pourrait-elle tenir la promesse d’un meilleur accompagnement de fin de vie ?
• Qu’est-ce qui garantit l’humanité d’une aide active à mourir ?
• Comment s’assurer que le choix de mourir soit vraiment libre et lucide et non un appel au secours ?
• Qu’est-ce qu’une fin de vie digne ?
Merci de votre attention.
Intervention Dr Muriel CARLES
Je vous propose d’aborder avec vous trois éléments d’un point de vue philosophique, qui à mon sens aide à réfléchir dans ce débat où chacun a du mal à sortir de son pré carré : trois points pour que vous ayez matière à vous tricotiez un début de pensée ouverte pour entendre ce que dit l’autre.
* Le premier, c’est celui du sens de la vie. Mais en 1/3 de 15 minutes, vous serez d’accord avec moi, ça va être périlleux. Je vais donc me contenter de vous parler en creux de cette notion, en parlant de la mort, élément plein et entier de la vie. * Le second point, c’est la dignité. Alors là aussi 5’ minutes cela ne va pas être aisé mais aborder la dignité par un autre côté peut ouvrir une réflexion originale qui permet, il me semble, d’entendre ce que l’autre me dit. * Et enfin le troisième point sera sur l’éthique : qu’est-ce qui valide une réflexion éthique ? Sans empiéter bien sûr sur l’intervention d’Aurélie Salido, qui s’y connaît beaucoup mieux que moi et qui vous en parlera bien mieux que moi.
@A Donc premier point : Le sens de la vie avec en creux La mort
Les philosophes sont assez d’accord pour définir la mort comme le fait de quitter le monde. Cette définition ne vous interpelle-elle pas ? Je vous rappelle très rapidement, et là c’est ma casquette de médecin qui intervient, la définition commune de la mort. Cette définition a changé en 1959. Elle est passée de ce qu’on appelait la mort clinique c’est-à-dire l’arrêt cardio-respiratoire à une mort à corps chaud, c’est-à-dire un arrêt du fonctionnement encéphalique. Et ce pour deux raisons : *En 1954 il y a eu la première réalisation de greffe d’organes réussie (rein) or pour greffer un organe il faut maintenir le greffon vascularisé donc il faut que le corps qu’il le donne reste vascularisé c’est à dire chaud. *En 1957 sont apparus les premières ventilations artificielles mécaniques avec le développement de la réanimation respiratoire qui maintenait une activité cardiovasculaire artificielle sans activité cérébrale nécessaire. On le voit, les philosophes, eux, se situent directement dans la dimension du lien à plus grand que soit : mourir c’est quitter le monde alors que, vous l’avez remarqué, dans la dimension médicale, sociale, commune, on est seulement avec l’individu lui-même.
Comment cela peut-il nourrir notre réflexion ? Cela fait intervenir la notion d’exister [le manifesté] et celle d’être [le non manifesté].
La question que le philosophe se pose lq il s’interroge sur le monde c’est qu’est-ce qu’être au monde ? Et là intervient la différence entre exister et être : Le morceau de craie.
Rq : C’est Heidegger qui le prend pour exemple dans sa réflexion sur l’être (le Dasein, « Être et Temps »). Ici nous sommes comme Des nains montés sur les épaules de géants (ref Bernard de Chartres, 12e, Stephen Hawkin) = la puissance de la réflexion en philosophie : s’inspirer des penseurs et y apposer sa patte. (C’est comme le fil à couper le beurre qui sert à couper le beurre mais a trouvé une nouvelle fonction dans votre région, il sert également à couper … le foie gras).
Vous voyez le morceau de craie, il est là, vert, dans ma main … Il y a ce qui existe et qui est cette craie pour vous et moi Il y a ce qui n’existe pas et qui est pour votre voisin resté à la maison
La conscience est l’instance qui confère l’existence à l’être : les choses existent parce que je (un égo) est là pour s’en rendre compte DONC La mort me renvoie à l’être (au non manifesté) puisque je cesse d’exister pour le monde c’est-à-dire que le monde change avec ma mort
Avec ceci, si on revient au morceau de craie, on comprend que celui-ci n’a pas de sens seul avec lui-même. Il véhicule en lui, avec lui, tous mes souvenirs qui se rapportent à ce que je pense du morceau de craie.
Pour le philosophe, la différence entre être et exister est donc le résultat d’une opération intellectuelle, cad d’une opération de la pensée, ce que certain appelle une construction mentale mais ajustée à mon savoir. La mort se conjugue : Mort à la 3eme personne (la mort de l’inconnu, en général, le fait divers ordinaire) et la mort à la seconde personne (la mort proche, ta mort, le fait inscrit dans un lien unique). [1ere personne : ma mort, l’instant mortel, l’événement unique dans un continuum de vie singulier] Kant, lui, parlait de noumène et de phénomène : il disait que la connaissance ne nous permet pas d’avoir accès à l’être des choses, seulement aux phénomènes. Cela revient à dire que nous n’avons d’autre monde que celui que notre conscience nous fabrique.
Donc pour que quelqu’un existe il faut le savoir, le connaitre.
DONC que la mort soit une rupture avec le monde OK, mais elle est une rupture avec le monde de l’existant cad avec le monde construit par notre conscience dans notre lien aux autres Ici s’articule * d’une part la réflexion de la symbolique des funérailles : le rituel (soin du corps, cercueil, dalle au cimetière), le croque-mort et sarcophage (= ôter, faire disparaitre du monde), le deuil blanc, l’adage populaire « loin des yeux, loin du coeur et * d’autre part la question du suicide = j’ai de l’importance pour le monde, ma disparition ne passe pas inaperçu pour le monde et dans le monde.
Autre élément : Comme nous sommes chacun au monde de manière singulière, nous ne quittons pas tous LE MÊME monde.
Nous sommes chacun au monde de manière singulière : *être footballeur américain est très prisé dans les universités US, alors que depuis plus de 25 ans il est dit que l’espérance de vie d’un joueur avant est de 47 ans, *le refus conscient et éclairé de se soigner (ex. : amputation de membres)).
➔ Il serait intéressant de réfléchir sur cette prise de conscience de l’être au monde durant l’ensemble du continuum de sa vie et pas uniquement en fin de vie.
@B Ce qui ouvre le champ à le second point que j’aimerais aborder avec vous : la dignité, le concept de dignité
Il existe une antinomie paralysante entre 2 valeurs morales d’une part le respect de l’autonomie (dignité) de la personne vulnérable, objet de toute attention, de respect et d’autre part un acte qui est un meurtre même « charitable » c’est-à-dire une transgression de l’interdit élémentaire et une faute déontologique majeure au regard du serment médical fondateur.
Définitions : Concept = représentation abstraite, générale, construite, objective, stable. Notion : connaissance élémentaire, le plus souvent tirée de l’observation empirique.
Or le concept de dignité ne répond pas à ces critères, notamment le critère de stabilité des éléments le caractérisant. Car la dignité présente, entre autres, 2 définitions : la dignité relative à une fonction, titre ou charge qui donne à qqn un rang éminent, de recevoir du respect et la dignité inaliénable de la personne humaine.
Pour sortir de cette indétermination conceptuelle, il est intéressant d’envisager le concept de dignité autrement que par ses définitions, méthode, nous en avons tous fait l’expérience, qui ne fonctionne pas. Pour la dignité, il semble plus performant d’envisager deux points de vue à partir desquels l’évoquer, à partir desquels la dignité peut se dire car une définition aboutit à une notion explicite d’une qualité ontologique distinctive d’une classe d’être qui fait, dans ce qui nous occupe ici, que l’être humain est pourvu d’une dignité spéciale. La qualité ontologique distinctive pour Aristote est la raison, pour Rousseau, la liberté, pour Kant, l’accès à la loi morale etc Donc cette qualité ontologique repose sur une décision, un choix qui n’est pas univoquement accepté.
En considérant 2 points de vue du même concept de dignité, on tient en même temps un sens différent en fonction du point de vue qu’il énonce. D’une part une dignité attribuée, dites à la 3e personne. Ici cette dignité est attribuée à certains et pas à d’autres. Elle nécessite donc une décision c’est-à-dire des critères. D’autre part, le point de vue de la dignité vécue c’est-à-dire la dignité en première personne. Il est question ici d’un sentiment éprouvé. Ainsi penser le concept de dignité tient ensemble ces deux aspects tout en les distinguant méthodologiquement. Valider cette distinction s’appuie sur la Phénoménologie [point de départ de la connaissance : l’expérience, le ressenti d’un égo], (Edmund Husserl, 1859 – 1938). Pour mieux comprendre prenons l’exemple du corps : le corps vécu, Leib, c’est le corps propre, vivant, éprouvé par soi (ex. : je ressens une douleur et peux la décrire). Il existe également le corps observé, Körper, c’est le corps objectif, ausculté (ex. : le médecin palpe un corps). Mais le corps c’est les deux à la fois tant vécu subjectivement à la 1ere personne qu’observable, étiquetable à la 3e personne. Le corps est simultanément et irréductiblement les deux à la fois (ex. : pour traiter la douleur le médecin palpe et collige les informations ressenties par le patient).
En ne considérant que la dignité en lien avec l’observable, l’étiquetable, la dignité à la troisième personne, plutôt qu’en tant que vécu subjectif, vécu à la première personne, on établit un champ de qualité ontologique qui exclut de principe l’accès à la dignité vécue, ressentie : on confisque l’autonomie de la décision de la personne. On décide pour autrui ce qu’est SA dignité. Quid **du choix des « critères » et **de l’absence ou de la perte du critère (Handicap, démence, …). On développe certes une conscience morale, mais ne se place-t-on pas dans un impérialisme moral ? Ne se situons-nous pas dans un paternalisme, qui ne dit pas son nom, où l’on sait mieux que le sujet lui-même ce qui est bon pour lui, ce qu’il est digne de vivre, que sa dignité est inaliénable ? Est-il en accord avec les critères qui établissent la dignité choisie ?
Envisager le concept de dignité selon les 2 points de vue permet de restaurer la dignité en première personne. Néanmoins il faut la placer à sa juste place c’est-à-dire que le vécu subjectif de la dignité ne se laisse pas recouvrir par sa dignité objective sans pour autant devenir un principe à lui tout seul. Car que la dignité puisse se dire à la première personne par le sujet lui-même, qu’elle soit irréductible n’exclue pas la dignité à la 3e personne, qui reste nécessaire dans la régulation des actes externes qui constituent le commerce avec autrui au quotidien. Or la quotidienneté est parfois suspendue, notamment lors de la survenue d’une situation limite, hors norme, comme la fin de vie. Le concept classique de dignité n’est plus approprié. La dignité vécue intervient de façon positive dans la discussion. Il apparaît indispensable de prendre en considération ce que la personne elle-même vit comme étant sa dignité. Au nom de quoi confisquerait-on ce droit en lien avec son être au monde en lui imposant une posture de vie non satisfaisante pour elle ? non en accord avec ce qu’elle vit au plus intime. N’est-ce pas une substitution de volonté ?
Mais attention, considérer l’existence irréductible de la dimension subjective de la dignité n’implique pas automatiquement d’accorder un blanc-seing à toutes les demandes dont celle de l’euthanasie. Une demande n’est pas un ordre. Demander n’est pas ordonner.
La subjectivité n’est pas souveraineté.
La prise en compte de la dignité en 1ere personne permet d’ouvrir le dialogue notamment sur les conditions et moyens du Prendre Soin, sur les solutions à proposer pour augmenter les éléments en lien avec la dignité. Comme la vie, la subjectivité est traversée, transformée par la relation à autrui c’est-à-dire *qu’elle est subjective : c’est soi
ET en même temps, *elle est affectée par la relation à autrui, par l’environnement, par le contexte affectif et matériel.
Subjectivité ne veut pas dire Insularité : Dans le poème « Dévotion » John Donne écrit en 1624 « l’homme n’est pas une ile1 ».
La dignité comprise comme une expérience subjective de soi ET aussi indissolublement liée à une expérience inter-individuelle. Les conditions objectives ou l’action d’un tiers à un effet sur la perception de la personne d’elle-même y compris de sa souffrance. La subjectivité est toujours vécue comme une dépendance constitutive à l’égard du contexte.
Il est donc intéressant de considérer que la dignité n’interroge pas la relation de l’être à lui-même, mais qu’elle interroge bien la relation de l’être à l’autre. Accepter de renverser cette perspective permet d’ouvrir sereinement la discussion en aplanissant les incompris.
Conclusion : la dignité est donc la grandeur de l’autre qui m’impose un certain respect tout en étant à la fois la fragilité de l’autre qui m’invite à l’éthique.
@C Dernier point, pour conclure : qu’est ce qui rend une décision éthique valide ?
De nombreux paramètres ont été discutés et définis : l’exigence morale avec son ensemble de normes (principes et règles), des critères moraux développés en hétéronomie permettant l’éthique de conviction ou en autonomie ouvrant à l’éthique de responsabilité, les théories normatives (déontologiques, conséquentialistes et des vertus), et dans le prendre soin le principisme et l’éthique du care. Tout cela permet un débat construit et éclairé. Néanmoins, au stade où en est arrivé notre réflexion, un autre élément mérite que l’on le repère. Celui qui inclut la dimension relationnelle où se déploie la délibération collégiale en même temps que la responsabilité pour obtenir un consensus (construction d’une nouvelle solution envisageable : une 3ème voie) et non un compromis (le plus petit point dénominateur commun). Concrètement cela se réalise lq on répond OUI à la question suivante lors d’un questionnement nouveau mettant face à un dilemme : Est-ce que dans cette situation-ci (ici et maintenant), si d’autres personnes avaient réfléchi, discuté et élaboré une décision, celle-ci aurait été la même que la nôtre ? Si ce n’est pas le cas, la solution apportée n’est pas pleinement éthique c’est à dire qu’elle reste marquée par ceux qui l’ont édictée et pas seulement centrée sur la personne sur laquelle la réflexion portait. Garder cela à l’esprit permet de prendre de la hauteur, permet de rester centrer sur la personne et de ne pas se prendre trop au sérieux ou de se croire indispensable, cela allège les débats.
@ Conclusion Voici quelques notions pour nourrir votre réflexion sur ce vaste domaine que sont les possibilités d’accompagnement de la fin de vie. J’ai bien conscience que tout ceci est parcellaire, mériterait parfois d’être modulé, critiqué, illustré. C’est tout l’enjeu. Les concepts ne sont que des représentations abstraites pour lesquelles sont définis des caractères communs. Alors belle route à tous vos groupes de réflexion.
Je terminerai par une citation d’Augustin d’Hippone dans les Confessions « Ne craignez pas le mal de mourir, mais craignez de mal vivre. Tout homme craint ce que personne n’évitera et ne fait pas ce qu’il peut faire. Ne pas mourir, tu ne peux le faire, mais vivre bien, tu le peux. »
Auch, le 16 octobre 2023 Docteur Muriel CARLES
1Dévotions (1624) :
Un homme n’est une île, un tout, complet en soi ;
tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble ;
si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie,
comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ;
la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ;
aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne.